
10 Déc L’histoire des jardins remarquables
Les jardins ont toujours occupé une place privilégiée dans les sociétés humaines. Ils symbolisent à la fois un retour à la nature et une maîtrise de celle-ci. En France, les jardins remarquables sont le reflet d’une longue tradition paysagère qui a évolué au fil des siècles. Le label « Jardin Remarquable », instauré en 2004 par le Ministère de la Culture, vise à reconnaître et préserver ces espaces d’exception. Mais quelle est l’histoire de ces jardins qui, à travers le temps, sont devenus des trésors du patrimoine français ?
1. Les origines des jardins en France : de l’Antiquité au Moyen Âge
L’histoire des jardins en France remonte à l’Antiquité. Dès l’époque gallo-romaine, on trouve des jardins inspirés des modèles romains, axés sur la symétrie et la rationalisation de l’espace. Ces jardins romains, appelés hortus, étaient généralement clos. Ils étaient organisés autour d’une cour intérieure, et souvent utilisés pour cultiver des herbes médicinales, des fruits et des légumes.
Avec la chute de l’Empire romain et les invasions barbares, le développement des jardins est interrompu. Cependant, durant le Moyen Âge, les monastères et abbayes continuent à entretenir des jardins. Principalement à des fins utilitaires et spirituelles. Les jardins médiévaux étaient surtout des jardins clos (les hortus conclusus). Ils étaient des symboles de protection et de méditation. On y cultivait des plantes médicinales, des légumes, et quelques fleurs ornementales.
Exemple notable : Le jardin du cloître de Saint-Gall, en Suisse, est le modèle de jardin monastique de cette époque. C’est un espace divisé en carrés ordonnés destinés aux herbes médicinales et aux plantes alimentaires.
2. La Renaissance : l’émergence des jardins à la française
C’est à la Renaissance, au XVIe siècle, que les jardins commencent à s’émanciper de leurs fonctions strictement utilitaires. Ils deviennent des espaces de loisir et de prestige. Influencée par l’Italie, l’aristocratie française se met à créer des jardins ornementaux autour des châteaux. Avec une attention particulière à la symétrie et à l’harmonie des formes.
Les jardins de la Renaissance se distinguent par leur géométrie rigoureuse, l’utilisation de terrasses, de parterres de fleurs, de fontaines, et d’éléments architecturaux comme des escaliers et des statues. Ainsi, le jardin devient un lieu de représentation du pouvoir et de la richesse, comme un prolongement du château.
Exemple notable : Les jardins du Château de Villandry, créés au XVIe siècle. Ils illustrent parfaitement cette période, avec leur célèbre potager décoratif et leurs parterres géométriques soigneusement agencés.
3. Le XVIIe siècle : l’apogée des jardins à la française avec André Le Nôtre
Le XVIIe siècle marque l’âge d’or des jardins à la française. Sous l’influence de l’architecte paysagiste André Le Nôtre, qui révolutionne l’art du jardin en France. Le Nôtre est notamment à l’origine des jardins de Versailles, modèle emblématique des jardins à la française.
Les jardins de Le Nôtre se caractérisent par des perspectives infinies et une organisation géométrique stricte. Une interaction harmonieuse entre la nature et l’architecture. Les vastes allées, les parterres de broderie, les bassins d’eau, et les bosquets savamment taillés sont autant d’éléments qui illustrent la puissance de l’homme sur la nature.
Exemple notable : Les Jardins de Versailles, conçus par Le Nôtre pour Louis XIV, sont le summum de l’art paysager classique. Ils symbolisent la grandeur et l’autorité du Roi-Soleil.
4. Le XVIIIe siècle : le renouveau du jardin à l’anglaise
À partir du XVIIIe siècle, une nouvelle tendance venue d’Angleterre commence à se développer en opposition aux jardins à la française. Le jardin à l’anglaise, ou jardin paysager, prône une vision plus naturelle et moins formelle de l’aménagement paysager. Ce style vise à imiter les paysages naturels, avec des lignes courbes, des étangs irréguliers, et des bosquets sauvages.
Les jardins à l’anglaise se veulent des espaces de contemplation, inspirés par les peintures de paysages et les idéaux philosophiques du retour à la nature. Ils rompent avec la rigidité des parterres géométriques et offrent une vision plus romantique et pittoresque de la nature.
Exemple notable : Le parc du Château de Bagatelle, créé au XVIIIe siècle dans le Bois de Boulogne, est un magnifique exemple de jardin à l’anglaise avec ses allées sinueuses, ses grottes et ses petits ponts.
5. Le XIXe siècle : les jardins publics et la démocratisation de la nature
Le XIXe siècle voit l’émergence des jardins publics, à la faveur de la révolution industrielle et de l’urbanisation croissante. Les grandes villes se dotent de parcs et jardins ouverts au public, souvent conçus comme des lieux de détente et de loisirs pour les citadins.
Sous l’influence de l’ingénieur paysagiste Jean-Charles Alphand, le Second Empire développe de nombreux espaces verts à Paris, comme le Parc Monceau et le Bois de Vincennes. Ces jardins publics mélangent le style paysager anglais et des éléments plus formels en provenance du jardin à la française. Cela crée des espaces à la fois fonctionnels et esthétiques.
Exemple notable : Le Jardin des Plantes à Paris, créé au XVIIIe siècle comme jardin botanique, s’est ouvert au grand public au XIXe siècle et est devenu un lieu de promenade emblématique.
6. Le XXe siècle : le jardin contemporain et la reconnaissance des jardins historiques
Au XXe siècle, le jardin devient un espace d’expérimentation pour les paysagistes et architectes, mêlant modernité et tradition. Des jardins minimalistes, écologiques ou encore méditatifs voient le jour, tandis que l’intérêt pour la préservation du patrimoine se renforce.
C’est également au cours de ce siècle que la France commence à valoriser ses jardins historiques. En 2004, le label « Jardin Remarquable » est créé pour identifier, protéger et promouvoir les jardins présentant un intérêt esthétique, historique ou botanique particulier. Ce label distingue des jardins qui, par leur entretien et leur singularité, sont des témoins vivants de l’art des jardins.
Exemple notable : Le Jardin de Giverny, entretenu par Claude Monet, a non seulement influencé ses célèbres œuvres impressionnistes, mais est aujourd’hui l’un des jardins remarquables les plus visités en France.
Conclusion
L’histoire des jardins remarquables en France est un voyage à travers les siècles, témoignant de l’évolution de la relation entre l’homme et la nature. Du jardin monastique médiéval aux perspectives majestueuses des jardins de Versailles, en passant par les parcs paysagers du XIXe siècle, chaque époque a laissé son empreinte sur ces espaces verts d’exception. Aujourd’hui, le label « Jardin Remarquable » permet de préserver ce patrimoine unique et de le transmettre aux générations futures, tout en offrant aux visiteurs des lieux de contemplation et de ressourcement.